Annick Billon
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La différenciation territoriale qui permet d'adapter les compétences des collectivités, voire les normes applicables, aux particularismes locaux est une avancée nécessaire pour moderniser notre Etat, selon les représentants du groupe centriste au Sénat.

Il est des mots qui suscitent le débat. En matière de décentralisation, la différenciation est l'un de ceux-ci, puisqu'elle peut porter aussi bien sur les compétences des collectivités, les normes que les politiques publiques doivent satisfaire ou bien encore l'organisation territoriale. La différenciation interroge l'un des principes de la Révolution française, celui d'Egalité. La déclinaison habituelle qui en est faite depuis cette période est celle de l'uniformité égalitariste. Ainsi, pour beaucoup, le corsetage que l'Etat apporte à la définition de l'égalité n'est autre que l'expression d'un déni de la diversité des territoires.

Nous ne l'ignorons pas, certaines avancées ont été réalisées. L'introduction en 2003 du droit à l'expérimentation dans la Constitution est l'un de ceux-ci, même si cette ouverture ne remet pas en cause la rigidité issue de 1789 : l'abandon de l'expérimentation ou la généralisation de celle-ci à l'ensemble des collectivités sont les seules solutions autorisées.

Aux exceptions ultramarines près, l'égalité uniforme continue de prévaloir. Elle conduit à l'émergence d'un paradoxe, celui d'exacerber les particularismes. La complexité des textes en matière de décentralisation en rend compte. Elle résulte d'une double aspiration : une culture historique de notre Etat souhaitant tout contrôler ; une obligation de tenir compte des spécificités locales et de faire de chaque disposition un travail de dentelle. Le découragement des élus locaux face à ce pointillisme s'exprime clairement.

Une nouvelle étape de la décentralisation est l'une des réponses apportées à cette situation, dont la différenciation serait la marque de fabrique. C'est ce qu'a annoncé le Premier ministre lors de son dernier discours de politique générale.

La signature en février 2019 du pacte d'accessibilité pour la Bretagne entre la région et l'Etat ou bien, encore, la loi d'août 2019 créant la Collectivité européenne d'Alsace en constituent les prémices. Pourtant, et c'est l'écueil majeur d'une différenciation tronquée, l'importance de ces avancées ne saurait conduire à assimiler la différenciation à un droit des exceptions : celui où une succession de lois serait une suite de réponses particulières à des demandes particulières. Au nom de l'égalité, la différenciation est ce souffle qui doit concerner tous les territoires.

L'unité de la République est intangible. C'est parce que nous souscrivons sans réserve à ce principe que nous admettons que la différenciation fasse l'objet d'un encadrement. La différenciation que nous appelons de nos voeux repose sur trois piliers.

Le premier est de sortir de cette culture normative dont le seul dessein est de vouloir embrasser la totalité du réel. Il n'existe alors d'autres solutions que d'ériger la confiance comme le principe cardinal de l'action publique. Confiance aux élus locaux, dans leur capacité à choisir entre plusieurs alternatives au sein de l'encadrement proposé : elle concerne aussi bien les normes, l'exercice des compétences que l'organisation des structures. Faire prévaloir la capacité des élus à assumer les responsabilités qui leur sont confiées, en lieu et place de cette obsession pointilleuse à vouloir tout contrôler, tel est l'un des enjeux de la confiance.

Le second pilier de la différenciation est ce qui doit relier toutes les parties concernées. Pour nous, le contrat est le bon instrument. Par définition, il est le support d'une relation équilibrée entre chaque acteur. L'établissement de celui-ci doit permettre de porter au plus haut l'une des fonctions essentielles de l'Etat, celle d'être un garant.

Le dernier pilier doit être la déconcentration des services de l'Etat. Les élus doivent avoir des interlocuteurs en capacité de décider et de contractualiser. La différenciation induit un transfert aux services déconcentrés de l'Etat de pouvoirs budgétaire et contractuel.

Près de quarante ans après l'introduction de la décentralisation, la différenciation offre des perspectives fécondes : celles d'ériger une relation mature entre les collectivités locales et l'Etat, dont la confiance sera le ferment, en cohérence avec l'affirmation constitutionnelle d'une France dont l'organisation est décentralisée.

Hervé Marseille, président du groupe centriste au Sénat. Cette tribune a été cosignée par l'ensemble du groupe centriste du Sénat.

Les Échos

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