Annick Billon
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Dans le cadre du travail de suivi des politiques publiques de lutte contre les violences intrafamiliales entrepris depuis le début du confinement, la délégation aux droits des femmes a entendu, jeudi 7 mai 2020, maître Carine Durrieu-Diébolt, avocate spécialisée dans la défense des victimes de violences intrafamiliales et sexuelles.

Devant la délégation, maître Carine Durrieu-Diébolt a fait plusieurs constats inspirés par son activité en période de confinement. Elle a formulé des propositions concrètes pour améliorer la prise en charge de victimes de violences sexuelles et intrafamiliales.

Parmi les constats formulés par Maître Carine Durrieu-Diébolt :

- l’impossibilité de rendez-vous physiques pendant le confinement est une épreuve supplémentaire pour des victimes "qu’il faut parfois soutenir à bout de bras", les contacts par mail ou téléphone ne suffisant pas toujours à accompagner un parcours toujours très éprouvant ;

- il faudra du temps pour appréhender l’ampleur des violences sexuelles subies dans le cadre familial au cours des dernières semaines, parce qu’il s’agit de "violences commises dans la contrainte morale, sans bruit, sans coup", et que "la loi du silence, qui pèse sur les victimes, femmes et enfants, sert les agresseurs", la période du confinement ne faisant pas exception sur ce point. Selon maître Durrieu-Diébolt, il est probable que les plaintes liées aux violences sexuelles et aux violences intrafamiliales commises pendant le confinement mettent du temps à aboutir, car le dépôt de plainte nécessite souvent pour ces victimes un "véritable travail préalable", tant psychologique, lorsqu’elles vivent sous emprise, que juridique, car elles "craignent souvent de ne pas être crues". Il n’est donc pas certain que la sortie du confinement coïncide avec un afflux de plaintes ;

- la possibilité de signaler les violences par SMS au 114 et via une plate-forme numérique spécifique permettant un échange rapide avec les policiers ainsi qu’un "pré-dépôt" de plainte est un outil "très efficace pour les victimes". Ces moyens devraient être pérennisés au-delà de la crise sanitaire et faire l’objet d’une large médiatisation car, a souligné Maître Carine Durrieu-Diebolt, "mes clientes ne les connaissent presque jamais".

Parmi les propositions concrètes pour améliorer l’accompagnement judiciaire des victimes, maître Durrieu-Diébolt a cité :

- la généralisation de l’accès aux unités médico-judiciaires (UMJ) indépendamment du dépôt de plainte pour éviter la déperdition de preuves défavorable à la victime ;

- l’instauration d’une information systématique de la victime sur le suivi de l’enquête préliminaire, afin d’"éviter le sentiment d’abandon" que suscite souvent l’ignorance totale du déroulement de l’enquête. Maître Durrieu-Diébolt a jugé que cette information pourrait être adressée "tous les deux mois", dans un contexte de lenteur de certaines enquêtes, qui peuvent durer plusieurs mois, voire plusieurs années, avant la convocation des victimes à une confrontation avec l’auteur des faits, dans un délai trop bref pour qu’elles puissent s’y préparer efficacement ;

- l’extension de l’aide juridictionnelle au stade de l’enquête préliminaire, de manière à permettre aux victimes de bénéficier d’une assistance et d’un accompagnement dès la plainte, ainsi que sa revalorisation lors de l’instruction et devant les tribunaux correctionnels et Cours d’Assises.

S’agissant des violences sexuelles commises sur des enfants dans le cadre familial, maître Durrieu-Diébolt s’est déclarée favorable à une "présomption de crédibilité" au profit des mères qui dénoncent ces violences, déplorant que, pendant le confinement, le droit de visite du père ait pu être maintenu en cours d’enquête. "Le principe de précaution aurait dû prévaloir sur les droits du père. Donner la priorité à la protection de l’enfant n’aurait pas constitué une négation de la présomption d’innocence", a-t-elle estimé.

De manière générale, maître Carine Durrieu-Diébolt a fait valoir que la procédure en Cour d’Assises était "dévoyée par sa lenteur". En revanche, lors des affaires qu’elle a plaidées en cour criminelle, elle a observé des délais d’audiencement plus rapides et plus satisfaisants pour les victimes : "Si la cour criminelle a pour effet de supprimer l’aberration juridique que constitue la correctionnalisation des viols vécue comme une sous-justice par les victimes, c’est très positif", "à la condition que l’on continue de se calquer sur la procédure de la Cour d’Assises et que l’on y consacre un temps suffisant" a-t-elle conclu.

Annick Billon, présidente, a appelé à "améliorer la réponse faite aux victimes par tous les acteurs de la chaîne judiciaire" et a plaidé pour que le contexte de la crise sanitaire n’affecte pas la poursuite de l’amélioration de la formation des personnels, qui reste cruciale pour accueillir la parole des victimes

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