Lundi 12 avril 2021, le Sénat a adopté (208 voix pour et 109 voix contre) le projet de loi confortant le respect des principes de la République, après l’avoir renommé « Projet de loi confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme » et l’avoir modifié par de nombreux amendements.

Je déplore que ce projet de loi ait pu être associé à tort à un texte hostile aux musulmans. Il n’est pas question de stigmatiser une religion, la France n’a pas de problème avec l’Islam. Notre République souffre des extrémismes de toutes obédiences et ce projet de loi vise à rappeler nos principes pour permettre à la laïcité d’exister dans l’espace public.

Avec les membres de la commission Culture, Éducation et Communication, nous avons examiné, à la demande de la commission des Lois, les articles relatifs à nos compétences. Rapporteure de la proposition de loi visant à simplifier et mieux encadrer le régime d'ouverture des établissements privés hors contrat (session parlementaire 2017-2018), j’ai été en charge, pour le groupe Union Centriste, des articles relatifs à l’enseignement, notamment de l’instruction en famille (IEF). De nombreuses similitudes existent dans l’appréhension de ces deux types d’enseignement qui sont souvent dénigrés en raison d’une certaine marginalité. Or, le souhait d’éduquer et d’enseigner différemment n’est en aucun cas un aveu de fondamentalisme. En premier lieu, c’est un droit. Par ailleurs, plusieurs raisons peuvent expliquer le choix de cette alternative et c’est pourquoi j’ai déposé plusieurs amendements, dont un visant à supprimer l’article 21.

Parcours législatif

À l’issue du vote à l’Assemblée Nationale, le projet de loi transmis au Sénat comportait des dispositions visant notamment à :

  • renforcer le respect des principes d’égalité, de neutralité et de laïcité dans les services publics, ainsi que la formation des agents publics au principe de laïcité ;
  • actualiser les règles de fonctionnement et de financement des associations cultuelles et leurs obligations comptables et administratives, soumettre les associations « loi 1901 » à objet cultuel à la plupart de ces obligations, et renforcer la police des cultes ; 
  • renforcer la lutte contre la sujétion des femmes ;
  • lutter contre les discours de haine et certains délits de presse ;
  • encadrer davantage les possibilités de recours à l’instruction en famille et renforcer les contrôles sur les établissements d'enseignement privés hors contrat ;
  • accroître les pouvoirs de TRACFIN en matière d’opposition à des mouvements de fonds.

Examen en commission des lois

Lors de son examen en commission des lois du Sénat, le projet de loi a été complété afin de renforcer les moyens de lutte contre le séparatisme tout en veillant notamment à ce que les nouvelles procédures de contrôle mises en place restent proportionnées à cet objectif et ne créent pas de contraintes injustifiées pour les associations à vocation cultuelle qui respectent pleinement les principes de la République.

Elle a adopté des amendements tendant à :

  • Aligner les obligations des salariés participant à une mission de service public avec celles des agents publics ;
  • Enrichir le « contrat d’engagement républicain », en imposant aux associations et fondations subventionnées de « ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République » ;
  • Encadrer les nouveaux pouvoirs de suspension du ministre de l'intérieur dans le cadre du régime de dissolution administrative des associations et renforcer les sanctions pénales en cas de reconstitution ;
  • Créer un délit spécifique incriminant le fait de pratiquer des examens visant à attester la virginité ;
  • Préserver les garanties procédurales nécessaires de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse pour les journalistes qui seraient poursuivis dans le cadre du nouveau délit de diffusion malveillante de données personnelles ;
  • Recentrer la régulation du Conseil supérieur de l’audiovisuel sur les grands réseaux sociaux vecteurs de haine, tout en en lui confiant la mission d’inciter les plateformes à coopérer ;
  • Prévoir un renouvellement par tacite reconduction de la reconnaissance du caractère cultuel des associations ;
  • Supprimer le plafond de 33 % instauré par les députés qui limiterait la part annuelle des ressources provenant des immeubles de rapport des associations cultuelles ;
  • Rétablir l’article 35 de la loi du 9 décembre de 1905, sanctionnant les ministres du culte qui appellent à ne pas respecter les lois de la République ;
  • Instituer la possibilité de retirer la qualité de réfugié aux personnes condamnées pour apologie du terrorisme.

Examen en commission de la Culture

 La commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat a, sur les articles qui lui ont été délégués au fond, adopté des amendements tendant à :

  • Réaffirmer le principe selon lequel nul ne peut se soustraire à l’enseignement physique et sportif pour des motifs autres que médicaux ;
  • Renforcer la formation des enseignants à l’application de la laïcité à l’école publique ;
  • Conforter le respect des principes de la République à l’université, tout en préservant la liberté et les franchises universitaires, notamment en interdisant les activités cultuelles dans les lieux d’enseignement ;
  • Préserver le droit à l’instruction en famille et son régime de déclaration, en supprimant l’article 21, tout en entourant ce dispositif de garanties ;
  • Renforcer les dispositions relatives aux fédérations et aux associations sportives.

Séance Publique

En séance publique, le Sénat a adopté des amendements tendant à :

S’agissant du port de signes religieux ostentatoires

  • interdire le port du voile et autres signes religieux ostentatoires aux personnes accompagnant les sorties scolaires ;
  • permettre au règlement intérieur des piscines et espaces de baignades publiques d'interdire le port du burkini ;
  • interdire tout port de signe religieux ostensible par des mineurs dans l’espace public, ainsi que le port par des mineurs de tout habit ou vêtement qui signifierait l’infériorisation de la femme par rapport à l’homme.

S’agissant des élections

  • interdire les listes et les campagnes électorales ouvertement communautaristes ;
  • interdire de faire figurer des emblèmes religieux sur les bulletins de vote et sur les documents de propagande électorale.

S’agissant des associations et notamment des associations cultuelles 

  • permettre la dissolution d'associations qui interdisent à des personnes de participer à une réunion à raison de leur couleur, leur origine ou leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie ou une religion ;
  • introduire un mécanisme d’information du préfet trois mois avant la conclusion de baux emphytéotiques administratifs par les collectivités territoriales en vue de l’affectation à une association cultuelle d’un édifice du culte ouvert au public, afin que le préfet puisse vérifier si l’association peut toujours être qualifiée d’association cultuelle ;
  • étendre la dérogation au principe de non-subventionnement des cultes du financement public des réparations des édifices affectés au culte public, aux travaux visant à permettre l’accès de ces bâtiments accueillant du public aux personnes à mobilité réduite ;
  • prévoir des sanctions pour les directeurs ou administrateurs d’association cultuelle qui accepteraient des dons en espèce au-delà des montants autorisés ;
  • proroger le délai d’entrée en vigueur de certaines dispositions de la loi d’un an à dix-huit mois, afin de laisser plus de temps aux associations cultuelles pour se conformer aux nouvelles obligations prévues par le projet de loi ;
  • s’assurer que les dispositions du présent projet de loi qui concernent l’Alsace-Moselle s’appliqueront de façon identique sur l’ensemble du territoire, sans remettre aucunement en question le régime concordataire.

S’agissant des édifices religieux et lieux de culte

  • soumettre tout projet de construction d’un édifice du culte par une association à objet « mixte » relevant de la seule loi de 1901 ou par une association cultuelle à l’élaboration d’un plan de financement prévisionnel certifié par un commissaire aux comptes, transmis au représentant de l’État dans le département au plus tard lors du dépôt de la demande de permis de construire ou d’aménager ;
  • réduire à deux mois, au lieu de trois, la fermeture temporaire administrative de lieux de culte pour faire cesser les troubles à l’ordre public ;
  • limiter au 31 décembre 2026 la durée d’applicabilité des dispositions permettant à l’autorité administrative de fermer des lieux de cultes ainsi que les locaux qui en dépendent.

S’agissant de l’instruction en famille et du respect de l’instruction obligatoire

  • renforcer la formation des inspecteurs académiques aux spécificités de l’instruction en famille ;
  • exiger une déclaration de recours à l’instruction en famille dans les huit jours à chaque rentrée d’année scolaire ;
  • supprimer la possibilité de procéder à une validation des acquis de compétences pour les personnes faisant l’instruction en famille à leurs enfants ;
  • maintenir le système actuel de double déclaration des parents auprès du maire de leur commune et des services de l’éducation nationale, et afin de ne pas complexifier les démarches administratives pour les familles souhaitant instruire leur enfant en famille, charger les services déconcentrés de l’éducation nationale de transmettre la liste des enfants instruits en famille du département au président du conseil départemental ;
  • préciser l’engagement des familles pratiquant l’instruction en famille à dispenser les enseignements majoritairement en français dans le respect des principes de la République ;
  • prévoir la motivation de la convocation par le recteur des parents de l’enfant pour apprécier la situation de l’enfant et de sa famille et vérifier le respect du droit de l’enfant à l’instruction ;
  • préciser que seules les condamnations définitives peuvent entraîner une interdiction d’être en charge de l’instruction d’un enfant en famille ;
  • étendre aux informations en possession de l’administration fiscale la possibilité actuelle accordée aux maires de croisements des données des fichiers de la CAF et de l’éducation nationale ;
  • conditionner le versement de l'allocation de rentrée scolaire à la famille dont l'enfant serait soustrait à l'instruction, à la présentation d’un certificat de scolarité, dans le cadre des contrôles de l'instruction effectués au titre de l'article L131-10 du code de l'éducation ;
  • viser à ce que les résultats des contrôles exposent précisément les explications et les améliorations que le directeur doit apporter pour une mise en conformité de l’enseignement ;
  • limiter à 5 ans l’interdiction d’enseigner et de diriger à l’encontre d’un directeur ne parvenant pas à répondre à des demandes de l’administration et conserver le caractère définitif de cette sanction à l’encontre d’une personne refusant la fermeture d’une école ou mettant en danger la vie d’autrui.
  • maintenir un régime de déclaration pour les organismes d’enseignement à distance et instaurer un agrément, qui pourra être délivré aux organismes privés ayant souscrit à la charte des valeurs et principes républicains ;
  • clarifier les conditions de passage sous contrat pour en faire un droit opposable au lieu d’une décision de l’État, afin d’introduire plus de rationalité et de transparence dans le processus d’octroi des contrats ;
  • en cohérence avec la rédaction nouvelle de l’article 24 bis et la volonté de faire de l’amélioration de la mixité sociale un objectif commun à toutes les formes d’enseignement, supprimer l’article 24 ter qui fait référence uniquement aux commissions de concertation comprenant en nombre égal des représentants des collectivités territoriales, des représentants des établissements d'enseignement privés et des personnes désignées par l'État ;
  • compléter l’article 24 quater qui prévoit la transmission annuelle par les services statistiques du ministère de l’Éducation Nationale au conseil départemental des « données sociales anonymisées » des élèves du département, en prévoyant d’adresser ces données à l’ensemble des acteurs qui ont à charge les différents établissements scolaires, soit les communes pour les écoles maternelles et élémentaires, le département pour les collèges et la région pour les lycées ;
  • rappeler le rôle des délégués départementaux de l’éducation nationale (DDEN) au sein de l’institution scolaire ;
  • inclure dans le projet territorial d'éducation la valorisation de la charte de la laïcité et du principe d'égalité entre les hommes et les femmes ;
  • rétablir la possibilité de suspendre les allocations familiales, selon une procédure proportionnée et graduée, en cas d’absentéisme scolaire.

S’agissant de l’université

  • préciser la rédaction de l’article, introduit par la commission de la culture, interdisant l’exercice d’un culte dans les lieux d’enseignement ;
  • lutter contre les listes dites communautaristes, en interdisant la participation aux élections étudiantes de listes dont un ou plusieurs candidats ont tenu dans des lieux publics, par quelque moyen que ce soit, y compris écrit, des propos contraires aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité afin de soutenir les revendications d’une section du peuple fondées sur l’origine ethnique ou l’appartenance religieuse.

S’agissant des écoles, collèges et lycées

  • considérer que les « faits religieux » ne sont pas enseignés pour eux-mêmes, mais présentés et explicités dans le cadre d’enseignements disciplinaires qui les mobilisent, avec l’ajout du mot « pluridisciplinaire » ;
  • proposer aux enseignants une formation sur le dialogue avec les parents ;
  • prévoir qu’un arrêté des ministres concernés précise le cahier des charges des contenus de la formation initiale concernant la transmission des valeurs de la République dans les Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation, comme cela existe déjà pour la scolarisation des enfants en situation de handicap ;
  • lutter contre l’atteinte portée par les élèves, leurs parents ou leurs représentants légaux, à la liberté pédagogique de l'enseignant s’exerçant dans le respect des programmes et des instructions du ministre chargé de l'éducation nationale et dans le cadre du projet d'école ou d'établissement avec le conseil et sous le contrôle des membres des corps d'inspection ;
  • permettre au préfet de s’opposer à l’ouverture d’écoles hors contrat, dans des cas exceptionnels liés aux intérêts fondamentaux de la France.

S’agissant du milieu sportif

  • interdire le port de signes religieux ostensibles pour la participation aux événements sportifs et aux compétitions sportives organisés par les fédérations sportives et les associations affiliées ;
  • imposer aux fédérations sportives l’interdiction de toute propagande politique, religieuse ou raciale ;
  • prévoir que l’adhésion à une association sportive affiliée à une fédération vaut, pour son membre, engagement au contrat d’engagement républicain souscrit par l’association ;
  • demander aux fédérations agréées de signaler tout fait contraire aux principes du sport, et toute atteinte à la laïcité ou à l’intégrité physique et morale des personnes, constatés ou portés à leur connaissance ;
  • considérer que l’affiliation d’une association sportive à une fédération bénéficiant d’une délégation en application de l’article L. 131-14 vaut agrément ;
  • mettre en cohérence la relation entre une fédération sportive délégataire et sa ligue professionnelle afin de s'assurer du rôle de chacun des acteurs dans la mise en œuvre de la stratégie nationale de la fédération concernée visant à promouvoir les principes du contrat d’engagement républicain avec sa ligue ;
  • étendre le contrôle d’honorabilité des encadrants des activités physiques et sportives à toutes les condamnations pour crime ou délit à caractère terroriste et élargir ce contrôle d’honorabilité aux personnes qui interviennent auprès des jeunes sportifs ;
  • imposer l’affichage du contrat d’engagement républicain signé par les associations sportives dans tous les lieux de pratique d’une activité physique ou sportive ;
  • renforcer le contrôle des salles de sport, publiques comme privées, afin de s’assurer du respect des principes de la République, de la laïcité ainsi que de l’interdiction de toute forme de prosélytisme religieux ;
  • conditionner l’utilisation des équipements sportifs publics par des associations sportives qui organisent des activités physiques et sportives à un agrément ;
  • permettre à l’Agence nationale du sport (ANS) de soumettre le conventionnement des fédérations sportives au respect des principes d’engagement républicain.

Pour renforcer la lutte contre le séparatisme et promouvoir le respect du principe de laïcité

  • organiser une journée de la laïcité dans les administrations, collectivités et établissements publics le 9 décembre de chaque année ;
  • mettre en place un avis simple du préfet en amont de la délivrance par les maires de permis de construire ou d’aménager portant sur des constructions et installations destinées à servir à l’exercice d’un culte ;
  • inclure dans le champ du « délit de séparatisme » créé par le projet de loi les organisateurs d’actes d’intimidation et prévoir que lorsque ce délit est commis à l’égard d’une personne investie d’un mandat électif public, le juge peut prononcer l’interdiction des droits civiques à l’encontre de son auteur ;
  • autoriser les maires à réglementer le fait d’arborer des drapeaux autres que ceux de la République française ou de l’Union européenne lors de la célébration de mariages ou de l’enregistrement de PACS ;
  • soumettre la délivrance de l’agrément de service civique à l’engagement des organismes demandeurs à respecter le contrat d’engagement républicain ;
  • faire obstacle à la délivrance et au renouvellement des titres de séjour des individus dont il est établi qu’ils ont manifesté un rejet des principes de la République ;
  • demander aux professionnels de santé sollicités pour fournir un certificat de virginité de fournir à la patiente une information écrite et documentée concernant l'interdiction de cette pratique et de l’informer des organismes spécialisés dans la défense des droits des femmes qu’elle peut contacter ;
  • imposer aux missions des corps d'inspection d'intégrer, de façon spécifique, le respect par chaque établissement, dans son organisation comme dans son enseignement, des valeurs fondamentales de la République et de la laïcité ;
  • renforcer les sanctions en cas de tenue de réunions politiques et d’opérations de vote dans des locaux servant à l’exercice d’un culte, avec une peine d’inéligibilité ;
  • empêcher les personnes condamnées pour crime ou délit à caractère terroriste de travailler auprès des mineurs accueillis dans les établissements de la petite enfance et dans les accueils collectifs de mineurs.

Suite au vote du Sénat, le parcours législatif se poursuit avec la réunion d'une commission mixte paritaire.

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