Journal des Sables
Récemment adoptée à l'unanimité, une proposition de loi d'Annick Billon vient apporter de nouveaux outils pour protéger les mineurs des violences sexuelles. Une interview « tronquée » dans un contexte tendu a toutefois été à l'origine d'une vague de haine à l'encontre de la sénatrice au sein de la twittosphère. Cette dernière revient sur cette expérience.
Le contexte n'était guère paisible : le livre de Camille Kouchner, à l'origine de l'affaire Duhamel est passé par là, alors que le Sénat examinait le texte d'Annick Billon, sénatrice de Vendée, destiné à renforcer la protection des mineurs contre les crimes sexuels. Le fruit d'un travail de plusieurs mois qui a conduit à l'adoption du texte à l'unanimité par les sénateurs. Le texte doit désormais être examiné par l'Assemblée nationale. Le sujet est aussi complexe que sensible, tant sur le plan moral que juridique.
En 2017, la protection des mineurs était un engagement du Président de la République. Les avis émis par le Conseil d'État sur la loi Schiappa sur les violences sexistes et contre les mineurs étaient là pour rappeler la difficulté du sujet sur le plan légal.
Ce que dit la proposition de loi
Dans sa proposition de loi, Annick Billon entendait donc créer un interdit clair, net et sans interprétation possible : l'interdiction absolue de tout acte sexuel entre une personne majeure et un mineur de moins de 13 ans.
Les mineurs de moins de 13 n'auront jamais à prouver qu'une relation sexuelle leur a été imposée par un adulte. Toute relation sexuelle entre un adulte et un mineur de moins de treize ans est considérée comme imposée par la contrainte. « Un enfant n'aura ainsi jamais à s'expliquer sur l'agression sexuelle dont il a été victime », résume Annick Billon.
En dessous de quinze ans, les dispositions sont différentes. Le juge pourra estimer que deux des critères utilisés pour constituer un viol découlent directement du jeune âge de la victime : la contrainte ou la surprise. « Il sera beaucoup plus facile de criminaliser le délit d'atteinte sexuelle », explique Annick Billon.
Pourquoi ne pas avoir appliqué aux moins quinze ans les mêmes dispositions que les moins de treize ans, ce que demandent par ailleurs nombre d'associations de victimes ? « Treize ans, c'est un âge fixé par d'éminentes personnalités sur le sujet », se justifie Annick Billon. L'idée était aussi d'éviter de réprimer de possibles relations sexuelles consentantes entre adolescents.
Menaces
Et c'était justement ce qu'expliquait Annick Billon lors d'une interview en visioconférence sur BFMTV lorsqu'elle a été coupée. L'entretien s'achève donc sur une incompréhension et il n'en fallait pas plus pour que les réseaux sociaux se déchaînent. Sous le « #Avant15anscestnon » fusent les critiques venant de militants de la protection de l'enfant prônant un non-consentement à 15 ans et d'internautes rageurs ayant compris que le Sénat légalisait les relations sexuelles avec des enfants de 13 ans ! Plusieurs actrices et animatrices ont posté des photos d'elles à l'âge de 13 ans, mélangeant au passage les notions de propositions, de projet de lui, d'amendement, de majorité sexuelle (qui n'existe pas en droit)…
« Je n'aurais jamais imaginé une telle violence », témoigne la sénatrice qui évoque des menaces sur les réseaux sociaux, y compris contre ses propres enfants ! « On a décidé de prendre du recul, de laisser passer la vague. » Annick Billon met l'accent sur le grand nombre d'interviews données sur le sujet et qui, elles, semblent s'être bien passées. « J'ai été confrontée à une twittosphère violente, difficile à gérer. Mais j'ai constaté que ceux qui s'intéressaient vraiment au sujet constataient que le texte était une réelle amélioration. » La sénatrice retient par exemple le remerciement du comité Alexis Danan de Vendée pour la protection de l'enfance qui a suivi l'ensemble des débats au Sénat. « Peut-on raisonnablement penser qu'un texte favorisant la pédophilie soit voté à l'unanimité par 343 sénateurs ? »
Elle appelle à raison garder. « Je sais qu'il y a une attente terrible des victimes. Ce texte ne résoudra pas tout. Et il n'a pas vocation à répondre spécifiquement au problème de l'inceste, même s'il peut y contribuer. Le travail a été fait. Je suis fière de mon texte. »
Franck Hermel