Annick Billon
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Dans le sillage de la déflagration produite par la sortie de l’ouvrage  La Familia Grande (Seuil, 2018 p., 18 euros), de Camille Kouchner, dans lequel elle accuse son beau-père, Olivier Duhamel, d’inceste envers son frère-jumeau, deux questions ont ressurgi dans le débat public : celle de la recherche du consentement de la victime mineure en cas de viol ou d’agression sexuelle et, dans une moindre mesure, celle de l’allongement des délais de prescription pour ces affaires. Ces derniers jours, les associations de victimes ou des personnalités comme la psychiatre Muriel Salmona sont reparties sur le terrain médiatique pour obtenir des changements sur ces points.

En 2018, la loi sur les violences sexistes et sexuelles, dite loi Schiappa, a allongé la prescription pour les faits de crimes sexuels sur mineurs, la faisant passer de vingt à trente ans à compter de la majorité de la victime. Une avancée encore insuffisante pour un certain nombre d’acteurs, comme l’association Face à l’inceste, et d’autres, qui militent pour l’imprescriptibilité, mettant notamment en avant l’amnésie traumatique dont peuvent souffrir les victimes.

Le sujet est cependant loin de faire l’unanimité, dans le monde de la justice, mais aussi au sein du secteur associatif. L’association La Voix de l’enfant y est, par exemple, opposée, au motif qu’elle est aujourd’hui réservée aux crimes contre l’humanité. Sa présidente, Martine Brousse, s’interroge par ailleurs sur « le risque que les victimes différent leurs révélations », et en conséquence leur prise en charge, en l’absence de limite.

« Une quasi-impunité »

Un second chantier, la proposition d’un seuil d’âge en dessous duquel un mineur serait automatiquement considéré comme non consentant à des relations sexuelles avec un adulte, est également relancé. Initialement envisagée par le gouvernement en 2018, la mesure avait finalement été abandonnée, au grand dam des associations qui militent toujours pour son instauration. «À I’heure actueIIe, on a un système défaillant qui garantit une impunité ou une quasi-impunité des violences sexuelles sur mineurs », dénonce ainsi le Collectif pour l’enfance, qui regroupe 33 associations engagées dans ce combat. «Quel que soit l’âge des victimes, on continue dans les tribunaux à étudier au cas par cas si un enfant a pu consentir à l’acte, ce qui aboutit à des requalifications en cascade d’affaires de viols en atteintes sexuelles », ce qui revient à diviser par trois la peine encourue. Le collectif milite pour la création d’infractions sexuelles spécifiques pour les mineurs de moins de 15 ans « qui excluraient d’avoir à rapporter la preuve de la contrainte », une des conditions constitutives des faits de viol ou d’agression sexuelle, comme la menace, la surprise et la violence.

Au moins deux propositions de loi répondant à cet objectif sont justement inscrites dans les semaines qui viennent à l’agenda parlementaire. Leurs modalités diffèrent principalement sur l’âge choisi pour établir un seuil de non-consentement. Le premier texte sera examiné le 21 janvier au Sénat. Il prévoit la création d’une infraction autonome de viol sur mineur établissant que « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis par une personne majeure sur un mineur de 13 ans est puni de vingt ans de réclusion criminelle lorsque l’auteur des faits connaissait ou ne pouvait ignorer l’âge de la victime ». L’âge de 13 ans correspond à « la limite indiscutable de l’enfance », selon la sénatrice centriste Annick Billon, à l’origine du texte. «À 13 ans, la question de l’enfance ne se pose pas, sa capacité de discernement ne peut pas être questionnée », explique la présidente de la délégation aux droits des femmes du Sénat. C’est également l’âge recommandé par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes dans un rapport récent. Signe d’une évolution des mentalités, le texte de Madame Billon, rédigé il y a un an, a été cosigné par un peu plus d’une centaine de sénateurs, dont la moitié issue des rangs de la droite.

« Il faut tout remettre à plat »

A l’Assemblée nationale, c’est un texte provenant du camp socialiste qui occupera cette fois-ci les députés le 18 février. La députée du Val-de-Marne Isabelle Santiago, entrée au Palais-Bourbon en septembre, propose de créer deux nouvelles infractions, l’une délictuelle, l’autre criminelle, sanctionnant les relations sexuelles entre un adulte et un mineur de moins de 15 ans. Soucieuse de « renforcer l’interdit de l’inceste », elle prévoit également de créer un seuil d’âge spécifique de non-consentement pour les infractions  sexuelles  commises  par un ascendant, fixé lui à 18 ans. Cette proposition de loi est davantage que le texte du Sénat conforme aux attentes du secteur associatif.

Tous deux, « dotés d’intentions louables », sont cependant « insuffisamment aboutis et précautionneux », juge la députée de la majorité Alexandra Louis. Celle qui fut rapporteure de la loi Schiappa puis chargée d’un rapport d’évaluation remis le 4 décembre est, elle aussi, au travail depuis plusieurs mois pour faire aboutir un texte.

«Il faut tout remettre à plat, regrouper toutes les infractions sexuelles pour mineurs (crimes et délits) dans une nouvelle partie du code pénal, intégrer l’inceste pour marquer l’interdit », résume l’élue des Bouches-du-Rhône. « II y a un travail considérable de mise en cohérence, c’est nécessaire de redonner de la lisibilité et du sens, en acceptant que c’est un sujet extrêmement complexe et une matière hautement technique », estime-t-elle. Elle prévoit de finaliser son texte d’ici à fin janvier et compte ensuite sur le gouvernement pour lui permettre de le mettre  à l’agenda parlementaire dès que possible.

 

Solène Cordier

 

Le Monde

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