Annick Billon
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Tout faire pour tourner la page de la crise suscitée par la réforme des retraites. Le président de la République s’y emploie en multipliant les déplacements en France. Emmanuel Macron se rendra jeudi 20 avril dans un collège de Ganges dans l’Hérault pour y faire des annonces sur l’Éducation. L’enseignement professionnel devrait manquer à l’appel puisque le chef de l’État a circonscrit cette filière au volet « Travail » lors de son allocution lundi 17 avril. Dès le lendemain, il a assuré vouloir « accélérer » sur la réforme du lycée professionnel en présentant un projet de loi « d’ici l’été ». Déclaration prononcée devant les organisations patronales réunies à l’Élysée.

Un symbole de la volonté présidentielle de rapprocher la filière professionnelle et l’entreprise que n’a pas manqué de relever la sénatrice communiste Céline Brulin : « Je suis inquiète, à mes yeux, l’enseignement professionnel doit rester dans le cadre de l’Éducation nationale ».

La réforme du lycée professionnel, Emmanuel Macron en parle depuis sa deuxième campagne présidentielle. En août 2022, il avait dévoilé certaines mesures comme l’augmentation de 50 % des périodes de formations en milieu professionnel (PFMP). Cette dernière avait déclenché l’ire des syndicats qui s’étaient mobilisés contre.

« Les semaines ne sont pas extensibles, j’attends du gouvernement qu’il fixe bien la place des enseignements généraux qui sont indispensables pour assurer la polyvalence des élèves et pour former ces futurs citoyens », souligne Max Brisson, vice-président Les Républicains de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat. Les syndicats d’enseignants sur la même ligne avaient donc fini par avoir raison de ce dispositif en janvier, bien que Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnelle, n’exclut pas totalement d’augmenter les périodes de stages. « Dans mon département, les chefs d’entreprise ne sont pas particulièrement enthousiastes de recevoir plus longtemps des jeunes de lycée professionnel parce que les encadrer, ça ne s’improvise pas », explique la sénatrice de Seine-Maritime Céline Burlin.

Rôle émancipateur de l’école

Depuis ce recul, l’architecture du projet de loi se fait attendre. « Pour le moment, c’est très flou », regrette le sénateur écologiste Thomas Dossus. Les quatre groupes de travail réunissant des acteurs de la filière professionnelle ont terminé leurs travaux fin janvier, mais les concertations, notamment avec les syndicats d’enseignants, continuent. Sur la philosophie du texte, les sénateurs de gauche craignent qu’une place trop importante soit laissée aux entreprises : « On voit bien la logique du macronisme : avoir des élèves qui répondent au besoin à court terme du monde économique, ce qui éloigne l’école de son rôle émancipateur », fustige Thomas Dossus, également vice-président de la délégation sénatoriale aux entreprises.

Bien qu’il soit favorable « à toute forme d’apprentissage et d’alternance », le sénateur LR Max Brisson insiste : « Je pense que la pratique en entreprise ne peut pas se faire aux dépens des disciplines de culture générale. [Elles] ne peuvent pas être sacrifiées sur l’autel de la nécessaire employabilité ». Cette position d’équilibre entre l’entreprise et l’école est aussi celle de la sénatrice communiste : « Il faut réfléchir au besoin des entreprises. Par exemple, l’enseignement professionnel forme à des carrières dans le secteur tertiaire alors qu’il y a des besoins dans l’industrie. Mais il ne faut pas que le patronat décide de la nature des formations », détaille-t-elle. De son côté, Annick Billon, sénatrice centriste, plaide pour un enseignement « tourné vers l’emploi » avec des « formations diplômantes qui permettent des débouchés ». Aujourd’hui, le taux d’insertion varie de 10 à 80 % selon les filières, d’après la ministre déléguée à l’Enseignement supérieur et la Formation professionnelle.

« S’il veut apaiser avec ce sujet, c’est mal parti »

Avant toute nouvelle réforme de l’enseignement professionnel, Céline Brulin demande un bilan de celle de 2019 portée par l’ancien ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer : « La réforme de 2019 a déjà réduit le nombre d’heures d’enseignements. En CAP, les jeunes n’ont plus qu’1h30 de français et d’histoire-géo par semaine ! » Une réforme que garde en mémoire sa collègue centriste Annick Billon qui met en garde : « Attention à ne pas faire des réformes successives qui déstabilisent les écosystèmes. »

Si Emmanuel Macron affirme vouloir faire adopter cette réforme « d’ici la fin de l’été », les sénateurs doutent de sa capacité à pouvoir aller vite sur le dossier. « Dire que l’on va faire très rapidement, c’est sa façon de faire, mais on ne sait pas quelle majorité il va trouver là-dessus », observe l’écologiste Thomas Dossus. Le contexte dans lequel le président de la République affiche cette volonté de réformer le lycée professionnel n’est pas neutre : « S’il cherche l’apaisement en choisissant un sujet qui a mis les enseignants et les élèves dans la rue avant même les manifestations contre la réforme des retraites, c’est mal parti », juge Céline Brulin du groupe communiste.

« Je comprends que le président de la République souhaite de changer de séquence, mais la réforme des retraites a démontré qu’il n’est pas possible de ne pas tenir compte des corps intermédiaires », abonde Annick Billon qui reste sceptique sur l’opportunité de mener cette réforme maintenant : « Si c’est un projet de loi avant l’été, je ne suis pas persuadée que les concertations seront au rendez-vous. Il ne faut pas reproduire la méthode utilisée pendant la réforme des retraites », prévient-elle.

Mobilisation des syndicats de la voie professionnelle

Les syndicats de l’Éducation ont réagi à la volonté du président de la République « d’accélérer » sur la réforme du lycée professionnel en refusant de se rendre aux prochaines réunions prévues ou programmées à « l’agenda social ces deux prochaines semaines », selon un communiqué commun. Le syndicat de la voie professionnelle SNUEP-FSU appelle également à manifester contre la venue de Carole Grandjean à Toulouse ce vendredi pour dire « notre opposition à la contre-réforme qui s’attaque à la voie professionnelle scolaire ». Pas sûr que les « cent jours » d’Emmanuel Macron suffiront pour tourner la page.

 

Par Stéphane Duguet

 


 
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