À l'occasion du cinquième anniversaire de la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, la délégation aux droits des femmes a organisé une table-ronde sur le bilan de l'application de cette loi.

Si l’adoption de la loi dite de « pénalisation du client » avait divisé parlementaires et secteur associatif, le bilan que nous pouvons tirer cinq ans après son application fait consensus : insuffisant !

En effet, les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances, voire, dans certains cas, contraire aux ambitions portées par le texte. Le manque de moyens apparaît, encore une fois, comme le principal responsable de l’inefficacité de l’application du texte :

  • Manque de moyens humains pour accompagner les personnes prostituées qui souhaitent arrêter cette activité, pour appréhender les clients ;
  • Manque de moyens financiers pour accompagner les personnes prostituées vers une reconversion professionnelle (formation, logement, allocations…) ;
  • Manque de moyens politiques. Selon Catherine Champrenault, procureure générale à la Cour d’appel de Paris, « la lutte contre le proxénétisme serait plus efficace si les moyens étaient à la hauteur de ceux engagés pour lutter contre le trafic de stupéfiants ». Encore aujourd'hui, 20 départements n'ont pas mis en place la commission départementale de lutte contre la prostitution, en charge de l'examen des dossiers de parcours de sortie.

La pénalisation du client, rejetée par le Sénat en première et deuxième lecture, pose également un problème car elle induit une perversité préjudiciable à la personne prostituée. Face à la raréfaction des clients considérés dorénavant comme des délinquants, elles sont contraintes d’accepter des pratiques dangereuses pour leur santé (non-port du préservatif, par exemple) ou de revoir leur tarif à la baisse. Pour contourner le délit de racolage, les personnes prostituées s’éloignent des centres urbains et/ou des proxénètes proposent des rendez-vous aux clients dans des appartements privés. Ces situations vulnérabilisent d’autant plus les personnes prostituées.

On le voit bien à la lecture de ces constats, la loi n’atteint pas les objectifs recherchés initialement. C’est certainement pourquoi seules 161 personnes prostituées sont sorties de la prostitution grâce à ce dispositif (564 personnes sont entrées dans ces parcours, alors que l'objectif était de 1.000 parcours pour la seule année 2017).

De surcroît, la loi n’a pas non plus permis d’enrayer le phénomène de la prostitution des mineurs qui relève bien d’un phénomène de masse dans un contexte de déconstruction de la société. Catherine Champrenault précise que, très souvent, les prostituées mineures ne se considèrent pas comme les victimes d’une exploitation, « elles ont le sentiment d’un choix personnel, qui se concrétise par une certaine disponibilité d’argent, massive ». 

Il apparait que la lutte contre le système prostitutionnel passe d’abord par la prévention et la formation. Les cours d’éducation sexuelle dans les collèges sont un moyen à privilégier pour lutter contre une statistique terrible : l’âge moyen de rentrée en prostitution est de 14 ans. La tranche d’âge la plus exposée se situe donc entre la sixième et la troisième. Il n’est pas concevable que la pornographie en ligne, en accès libre et gratuit, constitue le socle de l’éducation des jeunes à la sexualité.

Informations complémentaires :

La France compte entre 30 à 40 000 prostitués. 85% sont des femmes 

50% des personnes prostituées ont été victimes de violences 

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