AU SENAT
PJL violences sexistes et sexuelles : le rendez-vous manqué du Sénat
Les 4 et 5 juillet 2018, le Sénat a voté en première lecture le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Alors que le Président de la République a fait de la lutte contre les violences faites aux femmes la grande cause nationale de son quinquennat, ce projet de loi, très attendu, n’a pas été à la hauteur des enjeux.
S’il consacre des avancées importantes comme l’allongement du délai de prescription de 20 à 30 ans, la criminalisation du harcèlement numérique ou la reconnaissance du délit d’outrage sexiste, je regrette que ce texte ne condamne pas sans équivoque les violences sexuelles sur mineurs.
Je me félicite néanmoins du fait que notre chambre ait pu amener le Gouvernement à revoir sa position sur la notion d’atteinte sexuelle avec pénétration. Il s‘agit d’une décision importante et qui fait écho aux doléances de nombreuses experts spécialisés dans la protection des mineurs.
Au cours des discussions, j’ai tenté de défendre la position de la délégation aux droits des femmes visant à fixer un interdit clair à toute relation sexuelle entre un enfant et un adulte. Après avoir entendu des auteurs éminents (magistrats, pédopsychiatres et ancienne défenseure des enfants) nous avions choisi de porter ce seuil à 13 ans, considérant qu’il s’agissait de la limite universellement admise de l’enfance.
Cette proposition s’est cependant heurtée à l’opposition du Gouvernement et de la commission des Lois du Sénat. L’amendement que j’ai présenté dans ce sens n’a pas été adopté par notre assemblée (186 voix contre et 147 pour).
Les débats ont été vifs et les critiques à l’encontre de nos propositions n’ont pas manqué.
Or, le caractère arbitraire de l’établissement d’un seuil d’âge qui nous a été opposé ne me semble pas être un argument pertinent. Cette solution n’est pas sans précédent : la responsabilité pénale du mineur fixée à 13 ans et l’atteinte sexuelle, qui condamne les relations sexuelles avec des mineurs de moins de 15 ans, procèdent de la même logique.
Par ailleurs, cette disposition ne portait pas atteinte aux droits de la défense car l’accusé aurait toujours eu la possibilité de démontrer qu’il ne pouvait connaître l’âge de l’enfant.
Enfin, les arguments dénonçant une dégradation de la protection des mineurs de 13 à 15 ans me paraissent infondés, dans la mesure où la délégation aux droits des femmes était favorable à l’inversion la charge de la preuve et à l’aggravation des peines pour les crimes sexuels sur les mineurs de 13 à 15 ans, propositions équivalentes à celles du texte adopté.
Ce projet de loi aurait pu être porteur d’une vision ambitieuse, répondant aux attentes de notre société marquée par les retentissantes affaires de Pontoise et de Melun. Cependant, les dispositions adoptées ne permettront pas de protéger efficacement nos enfants et de garantir une condamnation des agresseurs à la hauteur de la gravité des faits.
Nous ne renonçons pas pour autant et je suis convaincue que notre persévérance finira par payer, comme ce fut le cas pour l’allongement des délais de prescription en matière de viol. Aujourd’hui, ces dispositions font majoritairement consensus et je ne doute pas qu’il en sera de même pour la reconnaissance de l'incapacité absolue d'un enfant à consentir à un acte sexuel avec un adulte.
Mais d’ici là combien d’entre eux devront en payer le prix ?